Marie Claire Borde est née à Lorient (Morbihan) le 10 avril 1931. Elle est la fille d’Emile Guillerot, industriel, président de la chambre de commerce de Lorient et de Madeleine Marcesche.
Sa sœur, Marie-Madeleine Martinie (née Guillerot) s’investit notamment dans l’association Breiz Santel, qui œuvre pour la protection et la restauration du patrimoine religieux en Bretagne. Quant à Marie-France, elle se consacre à promouvoir des modes de productions agricoles respectueux de l’environnement et de la santé. D’o๠vient cet engagement des trois sœurs ? A leur cadre de vie, à des valeurs religieuses certainement ; mais on raconte aussi leur émotion devant la mort des poissons de la petite pièce d’eau de leur cher domaine qu’elles croyaient si protégé. Cette pollution venant d’une ferme en amont leur ouvre les yeux sur la fragilité de la nature et les interrelations environnementales.
Dés lors sa vie est consacrée à l’action de l’UMIVEM. Elle peut compter sur le soutien discret mais efficace de son époux, qui n’hésite pas à soutenir financièrement l’association lors des périodes difficiles.
Très vite elle insère son association dans les instances administratives en charge du patrimoine. Elle devient un membre incontournable de la commission départementale des sites. A une période o๠l’urbanisation du littoral devient une question majeure, notamment en Bretagne sud, son action est déterminante.
Dés 1969 elle engage une étroite collaboration avec Jean-Claude Pierre président fondateur de l’APPSB (association pour la protection et la promotion du saumon en Bretagne), devenue Eaux et rivières de Bretagne. L’arasement des talus, l’effacement des chemins creux réunissent les défenseurs de la qualité de l’eau et ceux du paysage Son combat vise, selon son expression, à freiner la banalisation de la Bretagne dont elle voit l’identité menacée. Sa courtoisie, sa bonne éducation et son appartenance à une grande famille du Morbihan jouent en sa faveur en particulier dans ses rapports avec les préfets. Elle gagne ses lettres de noblesse avec Christian Bonnet (alors ministre de l’intérieur et élu morbihannais) qui la qualifie publiquement avec humour de « plus grande em…deuse du département !  »
L’UMIVEM représente en effet avec ses associations locales adhérentes une force critique et vigilante sur la gestion de l’espace, notamment sur le littoral. POS, permis de construire, projet d’aménagement sont soumis aux critiques de ses membres, et Marie-Claire Borde porte ses avis tant auprès des commissions administratives que des hauts fonctionnaires départementaux et régionaux. Elle ne se fait donc pas que des amis mais son action est respectée.
Citer ses victoires (et aussi ses échecs) reviendrait à passer en revues les affaires traitées par la commission des sites entre 1970 et 2009, soit une période de trente neuf années o๠le littoral breton a subi ses plus grandes perturbations. Combien d’erreurs ont été évitées, combien de projets ont été améliorés, combien d’espaces ont été sauvés de la destruction, combien d’échecs aussi… ? Un bilan impressionnant dressé dans les Petites nouvelles du patrimoine et des paysages en Morbihan lors des trente ans de l’UMIVEM, en 1999. Son grand regret est de n’avoir pas réussi à définitivement protéger la ria d’Etel, un des plus gracieux paysages du Morbihan.
Elle participe par ailleurs à la vie associative régionale et est co-fondatrice de l’URBE (union régionale Bretagne environnement), qui regroupe et fédère le mouvement associatif breton dans l’ensemble des champs de l’environnement. L’initiative sera hélas sans grand lendemain. Toujours au niveau départemental, elle siège au conseil d’administration du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) du Morbihan.
Conséquence de la notoriété de son action en Morbihan, Marie-Claire Borde se voit sollicitée par les instances compétentes régionales et nationales. Au niveau régional, elle est une des personnalités marquantes de la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE). Elle s’investit dans la mise en place des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), et seconde le président du collège du patrimoine et des sites, l’instance régionale techniquement compétente. Cette politique patrimoniale qui associe architecture, urbanisme et paysage lui convient parfaitement et elle s’y engage avec force.
Au niveau national, elle siège à la commission supérieure des sites (1980-1997), o๠sont examinées les propositions de classement des sites les plus remarquables du territoire national. Mais Marie-Claire Borde se voit peu à peu associée à d’autres instances : haut comité de l’environnement (1980-1982), conseil général des ponts et chaussées (1980-1984), conseil d’administration de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites.
En 1990, elle organise un colloque sur les sites et le patrimoine à Carnac à destination des maires de Bretagne. Elle lance la publication des Petites nouvelles du patrimoine et des paysages en Morbihan, envoyées gratuitement à tous les maires du Morbihan. Avec la FNASSEM elle contribue à la réalisation par le ministère de l’intérieur d’un guide de l’élu sur le patrimoine et le paysage (édité en 1996 par la direction générale des collectivités locales). D’autres documents sont réalisés notamment sur les ZPPAUP, dont elle promeut le développement. Pour un public érudit et passionné, l’UMIVEM publie treize ouvrages sur les églises et chapelles du Morbihan avec le concours du chanoine Danigo (1909-1999).
Toujours avec le souci d’impliquer de nouveaux partenaires, et d’éventuels donateurs, Madame Borde organise sept rallyes promenades sur des thèmes différents, comme la vallée du Blavet, sur les pas de Cadoudal. Avec la presse elle contribue à un concours photo « Mon beau pays qui s’enlaidit  ».
Les pressions pourtant s’accroissent sur le littoral, et Marie-Claire Borde est bien consciente que pédagogie, communication, et présence dans les commissions administratives doivent être complétées par des actions contentieuses. Avec l’aide d’associations membres de l’UMIVEM comme « Les amis des chemins de ronde  », présidée par Marie-Armelle Echard et l’association Environnement 56, elle n’hésite pas à saisir la justice des infractions à la loi « littoral  », au risque de ternir ses relations avec les élus morbihannais et au prix d’un travail bien ingrat, comme elle le qualifie elle-même. Elle obtient ainsi l’annulation totale ou partielle de plans d’occupation des sols et de permis de construire au tribunal administratif.
Marie-Claire Borde a consacré quarante années de sa vie à son combat pour la sauvegarde de l’esthétique des paysages naturels et urbains. Ce combat, elle l’a mené d’abord au niveau local à une époque o๠naissait un important mouvement en faveur de la protection de l’environnement, centré surtout sur la nature, les pollutions et les nuisances. La protection de la faune et la flore, le combat pour la qualité de l’eau, mobilisent en France des forces associatives plus nombreuses et plus jeunes que celles engagées dans la protection des paysages et de « l’esthétique  ». Dans ce domaine les associations sont surtout nationales comme la FNASSEM, la société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) ou la ligue urbaine et rurale, avec de discrets représentants locaux. C’est le mérite de l’UMIVEM et de sa présidente d’avoir su fédérer diverses associations locales et comités de défense (une cinquantaine), et leur donner un cadre d’action cohérent allant dans le sens de l’intérêt général, et donc reconnu par les décideurs. En tant qu’organisation départementale dédiée à la protection des paysages, l’UMIVEM n’a pas d’équivalent dans les autres départements bretons, même si la protection des sites est prise en compte dans les actions de l’association régionale Bretagne Vivante.
En 2003, Marie-Claire Borde se voit remettre l’insigne de chevalier de la légion d’honneur par le préfet du Morbihan. Sa façon d’agir était caractérisée par la courtoisie et l’élégance des propos mais aussi par la fermeté et l’opinià¢treté. Elle s’éteint après une longue maladie, le 8 mai 2009.
Les décideurs départementaux ont eu souvent à composer avec cette femme souriante et déterminée. Elle résumait ainsi l’esprit dans lequel elle a travaillé : « Nous avons essayé de ne jamais considérer nos opposants comme des ennemis, et tenté souvent de les rallier à une œuvre que nous souhaitons faire avec eux et non contre eux  ».
Sources :
– Entretien du 22 mars 2014 avec Elodie Cousty Martinie, présidente de l’UMIVEM et nièce de Marie-Claire Borde, et avec Yves Guillaumot qui fut longtemps son proche collaborateur.
– Entretien du 10 avril 2014 avec Jean Claude Pierre, président fondateur d’Eaux et Rivières de Bretagne.
– Petites nouvelles du patrimoine et des paysages en Morbihan. N°21 2003
– Cahiers de l’UMIVEM N°62 ,1999
– Mes relations professionnelles (DRAE, DIREN) avec Mme Borde entre 1986 et 2008