Au retour du président des États-Unis, pour donner plus d’ampleur à l’action entreprise par leur ministère, et peut-être aussi parce qu’ils pressentaient les changements à venir pouvant mettre en cause leur champ d’intervention, leurs traditions, voire leur compétence, plusieurs ministres renforcèrent et adaptèrent leurs services à la nouvelle donne. Ainsi, le ministre de l’Agriculture créa une direction générale de la Protection de la Nature (DGPN) le 4 mars 1970. Elle était notamment chargée « d’étudier, animer, coordonner, l’ensemble des actions tendant à la défense de la nature et à la préservation des équilibres biologiques, à l’aménagement du milieu naturel ». Le ministre de l’industrie créa de son côté une direction de la Technologie et de l’Environnement Industriel et une division des nuisances industrielles. Le ministère de l’Équipement se dota d’une mission permanente de l’environnement.
Le programme pour l’environnement qu’avait demandé le Premier ministre fut bouclé au mois de mai 1970 en comité interministériel. Il fut finalement adopté le 10 juin suivant en Conseil des ministres sous le titre de « Cent mesures pour l’environnement ». A cette occasion, le président Pompidou, déclara notamment : « Il ne s’agit que de la toute première étape d’une action qui demandera persévérance et obstination. L’action à mener ne peut qu’être interministérielle. Ce qui est en cause, ce sont les conditions mêmes et le cadre de vie des hommes ».
Concrètement, ces « cent mesures » s’articulaient autour de trois grands domaines d’actions :
– le premier comportait une somme de dispositions à prendre, à caractère législatif ou réglementaire ;
– le second listait tout un ensemble d’actions pour protéger, promouvoir ou servir d’exemple dans les champs d’intervention les plus divers (élimination des déchets et des carcasses de voitures, création d’espaces verts, lutte contre le bruit, création de réserves naturelles, lutte contre la pollution par les lessives, etc.) ;
– le troisième s’intéressait à introduire une pédagogie de l’environnement dès l’école, de manière à former et à informer tous les citoyens appelés à prendre conscience de la gravité des problèmes environnementaux.
Les associations de protection de la nature qui attendaient le dépôt au Parlement d’une loi sur la protection de la nature depuis l’annonce qui en avait été faite à la conférence de l’UNESCO en 1968, pouvaient penser que leur attente allait prendre fin par la mesure 58 inscrite au programme, celle-ci mentionnant qu’un projet de loi allait être déposé avant la fin de l’année 1970 sur l’interdiction du prélèvement de certaines espèces rares et menacées.
Compte-tenu du nombre des services et organismes intéressés au plan national, comme au plan départemental, par ces mesures et de la nécessité d’intégrer les diverses actions dans une politique cohérente, le gouvernement institua par décret du 30 juillet 1970, un Haut-Comité pour l’Environnement chargé de suivre l’application des mesures de ce premier programme et de faciliter la concertation interministérielle : « il connaît des problèmes de l’amélioration du cadre de vie, de l’encombrement, des pollutions et nuisances de toutes sortes, de la maîtrise des paysages et, plus généralement, de tous les éléments positifs ou négatifs qui concourent à l’environnement de l’Homme ».
L’année 1970 avait bien commencé en étant riche de signes politiques et de décisions favorables à la protection de la nature et de l’environnement mais elle se terminait sans que la loi annoncée à la conférence de l’UNESCO et attendue par les associations de protection de la nature n’ait été déposée devant le Parlement.
Et pour cause, le début de l’année 1971 allait créer une surprise mais d’une autre nature. Après l’annonce qui en avait été faite par le communiqué de l’Élysée du 7 janvier, un décret daté du 2 février fixait les attributions du tout nouveau ministre délégué auprès du Premier ministre, Robert Poujade, chargé de la protection de la nature et de l’environnement. Le rêve devenait enfin réalité pour tous ceux qui pensaient que la protection de la nature et de l’environnement ne serait efficace que le jour o๠elle serait prise en charge par un ministère de plein exercice, un « grand » ministère, comme l’écrivait le secrétaire général de la SNPN, Christian Jouanin (1925-2014) dans le Courrier de la Nature de ce début d’année 1971.
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